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Naviguer dans le règlement MiCA: Ce qui est réglementé et ce qui ne l’est pas 

Mis à jour le 27/09/2023

Le monde de la cryptomonnaie et de la technologie de registre distribué (TRD) a connu une explosion d’innovation et de potentiel, mais il n’a pas été exempt de défis réglementaires. La dernière avancée dans ce domaine est le règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA), une initiative ambitieuse de l’Union européenne (UE) visant à créer un cadre complet pour les crypto-actifs.  

Est-ce que le règlement MiCA couvre les jetons d’utilité ? Est-ce que le MiCA réglemente les jetons de valeurs mobilières ? Et qu’en est-il des stablecoins, des jetons de monnaie électronique (EMT) et des jetons adossés à des actifs (ART) ? Est-ce que le MiCA s’applique aux entreprises suisses et à d’autres sociétés non-UE ? Dans notre série d’articles de blog, nous détaillerons le règlement MiCA et ses implications pour les entreprises FinTech travaillant avec de cryptomonnaies et de la technologie TRD opérant dans l’UE. Ce premier article de blog offre une introduction et informe sur ce qui est réglementé par le MiCA et ce qui ne l’est pas. 

Ce que le MiCA signifie pour le marché européen des crypto-monnaies 

Le règlement MiCA n’est pas un simple ensemble de règles ; il s’agit d’une étape importante vers l’intégration du monde des crypto-monnaies et de la TRD dans le vaste paysage financier de l’UE. Voici pourquoi ce règlement est si important pour les entreprises du secteur des crypto-monnaies : 

  • Entrée sur le marché de l’UE : Le MiCA offre une opportunité unique aux entreprises technologiques traitant des projets de crypto-monnaie d’accéder au vaste marché de l’UE. Avec un corpus commun de règles applicables dans les 27 pays de l’UE, les barrières à l’entrée sont considérablement réduites. 
  • Régime de passporting : Une fois autorisées dans un pays de l’UE, les entreprises crypto et tech pourraient en principe offrir leurs services crypto dans toute l’UE sans avoir besoin d’obtenir des licences supplémentaires. Ce processus optimisé facilite les opérations ainsi que l’expansion transfrontalières. 
  • Règles uniformes : Le MiCA vise à créer un environnement réglementaire harmonisé dans l’ensemble de l’UE, en garantissant des règles et des exigences de conformité cohérentes. Il n’est donc plus nécessaire de naviguer entre les réglementations divergentes de chaque pays, ce qui assure ainsi  une cohérence et  une sécurité juridique pour les projets de crypto. 
  • Nouveau standard mondial du marché : Le MiCA a le potentiel d’établir un nouveau standard mondial pour la réglementation des marchés des crypto-monnaies, tout comme le règlement général sur la protection des données de l’UE l’a fait pour la protection de la vie privée. Les entreprises de crypto-monnaies européennes réglementées pourraient ainsi bénéficier d’un avantage mondial, d’une confiance accrue de la part des investisseurs, d’une adoption plus large et d’un écosystème plus mature, attractif à la fois pour les entreprises technologiques et pour les investisseurs potentiels. 

Jetons réglementés par le MiCA 

Le MiCA couvre différents types de crypto-actifs avec des réglementations propres. Les crypto-actifs sont définis comme une représentation numérique de la valeur ou de droits qui peuvent être transférés et stockés électroniquement, en utilisant la technologie du registre distribué ou une technologie similaire. Le règlement MiCA couvre trois types principaux de crypto-actifs : 

  • Les jetons de monnaie électronique (EMT) : Ces jetons sont adossés à une monnaie officielle pour maintenir une valeur stable. Les EMT jouent un rôle crucial en comblant le vide entre la monnaie fiduciaire traditionnelle et les actifs numériques dans l’UE. Les EMT font partie de la catégorie commune des “stablecoins” (pièces de monnaie stables). Un exemple d’EMT serait l’USDC ou l’USDT. 
  • Jetons adossés à des actifs (ART) : Un type de crypto-actif qui ne constitue justement pas un jeton de monnaie électronique mais qui vise à maintenir une valeur stable en se référant à une autre valeur ou à un autre droit ou à une combinaison de ceux-ci, y compris une ou plusieurs monnaies officielles. En outre, les ART sont généralement considérés comme des stablecoins. Le projet Libra / Diem de Meta (aujourd’hui disparu) est un exemple d’ART. 
  • Les autres crypto-actifs : Il s’agit de tous les crypto-actifs autres que les ART et les EMT et des crypto-actifs non soumis à d’autres réglementations des marchés financiers dans l’UE. Il s’agit notamment des jetons d’utilité, un type de crypto-actif destiné uniquement à donner accès à un bien ou à un service fourni par son émetteur. De même, les NFT fractionnés ou les grandes collections de NFT pourraient tomber sous le champ d’application du règlement MiCA. 

Si le MiCA couvre un large éventail de crypto-actifs, il est essentiel de noter que certains crypto-actifs ne relèvent pas de son champ d’application, en particulier ceux qui sont déjà soumis à d’autres législations : 

  • MiFiD II – Instruments financiers (jetons de valeurs mobilières) : Le MiCA ne réglemente pas les instruments financiers tels que les jetons de valeurs mobilières, que le règlement MiFiD II couvre déjà. Les jetons de valeurs mobilières représentent un droit de propriété ou d’autres droits de transfert de valeur d’un actif et sont soumis à un cadre réglementaire distinct. 
  • Les NFT fractionnés et les grandes collections de NFT : Le MiCA ne régit pas les jetons non fongibles (NFT) en tant que tels. Ces actifs, qui représentent souvent de l’art numérique et des objets de collection uniques, ont leur propre dynamique au sein de l’écosystème crypto. Il se peut néanmoins que selon leur structuration, certains NFT fractionnés et grandes collections de NFT puissent  tomber sous le champ d’application du règlement MiCA. 
  • Les monnaies numériques des banques centrales (CBDC) : Les monnaies numériques de banque centrale émises par les banques centrales ne sont  non plus pas visées par le règlement MiCA. 
  • Les dépôts structurés, les assurances et les produits de prévoyance : Le MiCA ne réglemente pas les dépôts structurés, ni les assurances ou les produits de prévoyance, qui sont tous soumis à des prescriptions réglementaires distinctes ne relevant pas du champ d’application du MiCA. 

Il est essentiel de comprendre quels actifs  ne sont pas couverts par le MiCA: c’est une première étape dans l’analyse de l’applicabilité du MiCA.  Il faut donc toujours évaluer si le jeton en question est susceptible d’être régi par un autre règlement de l’UE. Mais surtout, le MiCA primera sur toute législation nationale relative aux crypto-actifs tels qu’ils sont définis dans le MiCA. 

Activités réglementées 

Le règlement MiCA couvre un large éventail d’acteurs de l’industrie des crypto-monnaies et s’applique en particulier aux : 

  • Émetteurs/Distributeurs : Les sociétés de crypto qui émettent ou offrent des crypto-actifs ou qui cherchent à faire admettre des crypto-actifs sur une plateforme de négociation tombent sous le champ d’application du règlement MiCA. 
  • Les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP) : Les CASP proposent une gamme de services liés aux crypto-actifs, notamment la conservation, l’exploitation d’une plateforme de négociation, les services d’échange, les rôles de conseil, et bien plus encore. 

Cependant, la finance décentralisée (DeFi) et les transactions pair-à-pair (P2P) restent en dehors du champ d’application du MiCA. La question de savoir où se situe la limite entre les véritables propositions de DeFi et les projets “décentralisés uniquement par leur nom” (DINO) reste ouverte. 

Applicabilité aux entreprises non européennes 

Les entreprises non européennes qui proposent des services dans l’UE sont également concernées. Le MiCA s’applique aux services offerts dans l’UE aux investisseurs de l’UE, quel que soit le lieu où se trouve le prestataire de services. Cela signifie que les entreprises non européennes qui proposent des services dans l’UE doivent comprendre et respecter les dispositions du MiCA. L’exemption pour démarchage inversé (reverse solicitation) prévue par le règlement MiCA permet aux entreprises situées en dehors de l’UE de fournir des services liés aux crypto à des clients de l’UE à l’initiative de ces derniers, sans déclencher d’exigences réglementaires, à condition que l’entreprise ne se soit pas engagée dans une démarche active de démarchage ou de marketing. Les prestataires de services doivent toutefois être conscients qu’à l’ère numérique, il peut être difficile de faire la distinction entre une offre qui cible les clients de l’UE et une autre qui ne le fait pas – parmi les éléments à prendre en compte, on peut citer les langues utilisées sur le site web et les devises disponibles pour les paiements. 

Chronologie et dates clés de la mise en œuvre du règlement MiCA 

Les échéances de la mise en œuvre du règlement MiCA comprennent plusieurs étapes importantes et dates clés : 

  • Juillet 2023 – Dossier de consultation 1 : En juillet 2023, l’UE a publié le premier dossier de consultation. Le dossier comprend des normes techniques précisant les exigences, en particulier pour les CASP et les ART, par exemple, de contenu ainsi qu’un modèle de demande d’autorisation par les CASP. 
  • Octobre 2023 – Dossier de consultation 2 : Le dossier de consultation 2 est prévu pour octobre 2023. D’autres normes pour les CASP seront définies. Notamment, la classification, les modèles et le format des livres blancs (white papers) concernant les crypto-actifs seront abordés. 
  • Q1 2024 – Dossier de consultation 3 : Le premier trimestre de 2024 verra la publication du dossier de consultation 3, la phase finale des consultations. Cette étape permettra de répondre à toutes les préoccupations résiduelles et d’affiner le règlement sur la base des commentaires recueillis lors des consultations précédentes. Les consignes concernant la qualification des crypto-actifs en tant qu’instruments financiers et les réflexions sur le mécanisme de démarchage inversé seront très pertinentes. 
  • Juin 2024 – Les dispositions relatives aux ART et EMT entrent en vigueur : D’ici juin 2024, des dispositions spéciales du règlement MiCA entreront en vigueur, notamment en ce qui concerne les ART et les EMT. Il s’agit de la première étape concrète vers la mise en œuvre complète du règlement MiCA. 
  • Décembre 2024 – Le MiCA sera pleinement applicable : En décembre 2024, le règlement MiCA entrera pleinement en vigueur. Il s’agit d’une étape importante puisque le cadre réglementaire complet prendra effet. Les acteurs du marché, y compris les entreprises crypto, devront aligner leurs opérations aux exigences du règlement. 
  • Juillet 2026 – Fin des mesures transitoires pour les CASP : En juillet 2026, les mesures transitoires pour les CASP prendront fin. À cette date, les CASP devront avoir achevé le processus d’autorisation pour continuer à offrir leurs services au sein de l’UE. 

Conclusion et conseils pratiques 

Alors que le règlement MiCA se profile à l’horizon, les entreprises tech offrant des services dans l’UE et traitant de projets de crypto-monnaie et de TRD doivent se préparer. Voici quelques conseils pratiques à prendre en compte : 

  • Évaluez vos jetons : Analysez si les jetons que vous émettez ou pour lesquels vous fournissez des services sont considérés comme des crypto-actifs ou non. Vous pourrez ainsi déterminer si le MiCA est le cadre réglementaire approprié pour votre jeton. 
  • Évaluez vos services : Déterminez si vos services de crypto relèvent du champ d’application du MiCA. Il est essentiel de comprendre les modalités spécifiques qui s’appliquent à vos offres pour assurer leur conformité. 
  • Licence et autorisation : Si vos services nécessitent une licence ou une autorisation en vertu du MiCA, soyez proactif dans l’obtention de ces agréments. En entamant le processus suffisamment en avance, vous éviterez les complications de dernière minute et les retards potentiels. 
  • Expertise juridique : Compte tenu de la complexité du MiCA, envisagez de solliciter un avis juridique pour vous assurer que votre entreprise est en conformité. Les experts juridiques peuvent fournir des conseils adaptés à votre situation particulière et vous aider à vous y retrouver dans les subtilités juridiques. 
  • Restez informés : Gardez un œil sur les échéances du règlement MiCA et sur les éventuelles mises à jour de la part des régulateurs européens. Il est essentiel de rester informé de l’évolution du paysage réglementaire pour pouvoir s’y adapter efficacement. 
  • Transparence : La transparence est un concept clé du MiCA. Préparez-vous à répondre aux exigences de transparence, notamment en publiant des livres blancs et en respectant les règles de divulgation. 

Le MiCA offre un grand potentiel en termes de légitimité, d’accès à un marché plus vaste et d’harmonisation de l’environnement réglementaire dans un contexte qui évolue rapidement. En comprenant ces points clés et en se préparant en conséquence, les entreprises tech peuvent naviguer dans ces nouvelles eaux et ainsi prospérer dans l’écosystème des crypto de l’UE. N’oubliez pas que le fait de rester à l’avant-garde en termes de conformité peut vous donner un avantage concurrentiel à long terme. Dans les prochains articles du blog, nous aborderons les différents types de jetons et les exigences relatives à l’émission de crypto-actifs, les différents types d’activités CASP et les régimes d’autorisation, et enfin, la réglementation des DeFi et des transactions P2P dans le cadre du MiCA. 

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By Lars Rohrberg

Senior Legal Counsel

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